Prendre de nouvelles fonctions est déjà un challenge important pour la plupart des managers, le défi est démultiplié lors d’une prise de poste à l’international ! Entre l’adaptation, le choc culturel, les différences de modes de travail, le manque de réseaux sur place, les attentes parfois dissonantes entre le siège et le poste, les équipes en résistance passive, la prise de poste à l’international est une vraie gageure. Mais quand c’est réussi, c’est un vrai tremplin pour renforcer son leadership, développer sa flexibilité, enrichir sa communication et se créer un carnet d’adresse international, bien utile à la fois pour l’entreprise, le business et la suite de sa carrière !

 Pour réussir et transformer l’essai, vous avez besoin de : 

  • Anticiper et préparer les étapes de la prise en main de votre poste
  • Garder de la hauteur et du recul malgré la pression quotidienne
  • Favoriser une bonne compréhension de votre nouvel environnement
  • Bien communiquer avec votre nouvelle équipe et vos pairs
  • Développer vos ressources et vos réseaux

Pour cela, je vous propose dans cet article 3 étapes clés

1.    Préparer sa prise de poste à l’international

Quitter son poste : Même si vous n’avez pas fini votre mission, pensez à boucler proprement, à passer les dossiers, à dire au revoir. On ne sait jamais qui on va retrouver au fil de sa carrière

Clarifier les attentes du siège/les attentes de l’équipe : Qu’est-ce qu’on attend de vous pour ce poste ? A développer / implémenter / changer ? Et comment le poste sur place voit votre arrivée ? Quelles sont ses attentes ? Vous allez peut-être prendre un poste qui était espéré par un membre de l’équipe locale, ça ne facilite pas l’accueil. Prenez contact en douceur.

Isabelle Thibeault, expatriée à Ha Noi au Vietnam  de 2009 à 2013 et missions en Tunisie, au Mali, au Burkina Faso : « Il est nécessaire d’établir clairement les rôles et responsabilités de l’entreprise (au siège) et du collaborateur (en poste). Ce faisant, le collaborateur doit avoir suffisamment de latitude pour prendre des décisions sur la base de la réalité terrain sans avoir à revenir au siège pour des détails (pas de microgestion!) Il est nécessaire de fixer ensemble (entreprise et collaborateur) des objectifs clairs et réalistes sur le travail à accomplir en poste. Aussi, il est nécessaire de réviser ces objectifs si les conditions sur le terrain changent ou s’il y a des risques ou des obstacles qui n’ont pas été correctement évalués au départ. »

Identifier ses propres attentes, ses atouts, ses compétences utiles et les compétences à développer. Posez-vous les bonnes questions : qu’est-ce que je veux découvrir, développer, créer en prenant ce poste ? Quels sont mes atouts, mes forces, et mes limites ? De quoi je ne veux plus ? C’est l’occasion, dans la transition, de laisser tomber des fonctionnements, tâches, modes de management qui ne vous conviennent plus, pour en créer de nouveaux… Faites le point

Alexandre Gluckman est Director of Business Development chez SHL : « Il y a une évaluation importante qui est faite au moment du recrutement. Malheureusement, cette évaluation est perdue au moment de la prise de poste. Les informations ne sont pas partagées avec le manager en poste du collaborateur : quels sont ses modes d’apprentissage ou de communication privilégiés, comment il se sent au sein d’une équipe, ses sources de motivation…  Or, vous pouvez être un Directeur commercial très compétent, mais sur un marché en Chine, par exemple, les enjeux vont être différents et la réussite tient aussi beaucoup à la personnalité du collaborateur»

Renforcer ses compétences interculturelles et comprendre les modes de management que vous allez rencontrer. Renseignez-vous, anticipez les différences culturelles. Il ne s’agit pas de partir avec des clichés plein la tête et de mettre à l‘arrivée les gens dans des cases, mais de comprendre que les valeurs, les fonctionnements, les modes de communication, les habitudes, peuvent être différentes. Les vôtres aussi. Formez-vous.

Isabelle Thibeault : « Les postes à l’international nous permettent de voyager et de découvrir le monde. Ils nous permettent de développer un contact étroit avec une autre culture, de la comprendre, de la comparer avec la nôtre et de se laisser influencer sur ce qu’il y a de positif dans cette culture étrangère. »

Itw Eric Leger – Senior Vice President  – Schneider Electric : « La formation culturelle (business et personnel, pour le cadre et sa famille), ainsi que l’apprentissage de la langue locale, sont essentiels à la prise de fonction. »

Lire aussi : « Etes-vous assez culturellement compétent pour réussir votre expatriation? »

Et dans les compétences interculturelles, la gestion de l’incertitude est essentielle !

Alexandre Gluckman : « Nous créons des assessments en fonction du poste, pas en fonction du pays. Une prise de poste réussie tient à 3 aspects : l’expertise métier, l’alignement sur la stratégie et la culture de l’entreprise, et l’adaptation à l’équipe, et au réseau. La difficulté à l’international est qu’on navigue en environnement inconnu. Cela créé un inconfort, on est mal à l’aise. La capacité à gérer l’incertitude devient une compétence essentielle dans ce contexte. 

2.    Réussir les 90 premiers jours de sa prise de poste

A l’arrivée, ne vous précipitez pas dans les dossiers, mais allez à la rencontre des personnes.

Qui sont-ils ? Qu’est-ce qui les anime ? Comment voient-ils leur poste ? Leur service ? Quelles sont leurs difficultés ? Leurs fiertés ? Leurs envies ? C’est avec les personnes que vous allez travailler, les dossiers, les process, les chiffres viendront après.

Clovis Guitard, HR Manager au Clamart Technology Center – Schlumberger : « A la prise de poste, créer très vite son réseau, ne pas se focaliser sur les tâches, mais rencontrer les personnes – internes ou externes. Créer une relation – être proactif. Tout sera plus facile après. »

Prendre en main son équipe ; Faites part de vos observations, de vos ressentis, et des pistes de développement que vous avez identifié. Engagez-les en les faisant travailler sur des propositions concrètes sur ce qui doit être conservé, renforcé, et ce qui doit changer. Construisez un projet commun. Et pour communiquer efficacement avec vos équipes, apprenez à ajuster votre communication à vos interlocuteurs

Clovis Guitard : « Un des critères de réussite d’une prise de poste, c’est quand le collaborateur prend contact de manière naturelle, pas seulement pour régler les problèmes. Une communication facile, intégrée, naturelle renforce la confiance et l’engagement des équipes. »

Renforcer ses réseaux, développer et prendre appui sur son réseau de pairs.

Profitez de la communauté locale et expatriée pour faire des rencontres. Même si vous n’avez pas fini le dossier en cours, participez aux évènements extérieurs, aux rencontres, c’est aussi là que se font les réseaux et le business. Vous serez amené à rencontrer toutes sortes de personnes, et cela vous permettra de gagner en influence stratégique, et votre impact.

Isabelle Thibeault : « Développer et maintenir des relations authentiques et respectueuses avec le personnel local. Il y a un monde à découvrir si on a la curiosité et si on s’y intéresse vraiment. Il est nécessaire de ne pas s’en tenir uniquement au petit réseau d’expatriés en poste, mais de se faire des amis parmi les personnes du pays d’affectation. Il y a une dimension de représentation plus forte à l’étranger. Les contacts, les réseaux, les affaires se font aussi en dehors des heures de travail, lors de rencontres informelles, dans les cocktails et les évènements. Et finalement, ce qui reste d’une prise de fonction à l’international, peu importe les expériences, ce sont les relations humaines vécues. »

Les signes d‘une prise de poste réussie ?

Eric Leger : « L’integration dans l’équipe de direction et auprès des équipes internes, l’intérêt pour le marche et les clients locaux, une prise de contact prometteuse avec les autorités locales et autres Chambres de commerce locales, mais aussi le respect de la competence de tous, une attitude ouverte et curieuse, démontrer sa capacité a activer un grand réseau au sein du Groupe pour faire avancer les sujets délicats, etc. »

3.    Garder l’équilibre

 

Anticiper le choc culturel

Même si vous attaquez tout de suite votre mission, vous n’échapperez pas au choc culturel. En arrivant déjà, vous êtes un peu perdu, vous ne savez pas où trouver ce dont vous avez besoin. On repart à la base de la pyramide de Maslow : besoins physiologiques, où faire ses courses, trouver ce dont on a besoin dans la vie courante, se repérer, circuler facilement, trouver un logement et s’installer, recréer des habitudes et des réseaux. Faites-vous aider, accompagner, pour découvrir votre nouvel environnement.

Clovis Guitard : « L’accueil est important. Il peut y avoir une personne dédiée pour montrer le pays, expliquer les codes, sur un aspect personnel aussi, pas que professionnel. Les difficultés des missions expatriées sont souvent liées à des problèmes d’adaptation du collaborateur ou de sa famille dans le pays.»

Et puis il y a ce moment où, 3 à 6 mois après l’arrivée, on se demande ce qu’on fait là, pourquoi on a voulu / accepté de tout lâcher pour partir au bout du monde. La période de lune de miel est terminée, et on comprend qu’on ne rentrera pas de sitôt chez soi. C’est ici, maintenant chez soi, sans l’être vraiment non plus… Sachez que ça va passer. Explorez la courbe du choc culturel et demandez-vous ce que vous pouvez faire pour passer à l’étape suivante…

Si vous sentez que cela ne va pas, que vous ou votre conjoint a des difficultés pour s’adapter au-delà des 6 premiers mois, n’hésitez pas à en parler à votre manager ou aux RH, il y a sûrement des solutions à mettre en place pour vous aider.

 Prendre soin de ses batteries et trouver le bon équilibre perso/pro

A l’arrivée, le rythme est souvent soutenu, on découvre un monde nouveau, et on s’investit à fond dans sa mission.

Mathilde Pétriat, expatriée en Suède : « Les points positifs ? Développement personnel, réseau, rencontres, découverte du pays… Le revers de la médaille ? Je n’ai pas trouvé le bon équilibre de vie. J’ai trop travaillé, comme j’étais célibataire, j’étais en sur-régime. Trop de stress, perfectionniste, je n’arrivais plus à dormir. J’ai fait un burn-out . J’ai dû tout arrêter et rentrer en France pendant 1 mois. « 

Pensez à souffler et à vous ressourcer, à faire du sport… 

Si vous êtes en couple ou en famille, le collaborateur se consacre tout de suite à sa prise de fonction pendant que le conjoint prend en charge l’ensemble de la logistique et administratif de la maison. Parfois, cette nouvelle organisation perdure, alors qu’elle devrait se rééquilibrer au bout de quelques semaines. Pensez à reprendre aussi votre part de la vie domestique…

Isabelle Thibeault : « S’assurer que les besoins de la famille et de l’époux ou épouse soient pris en compte convenablement. Il faut mettre de l’énergie pour que tous soient heureux à l’école et au travail. Idéalement et selon le contexte, l’époux ou l’épouse devrait avoir une possibilité de s’épanouir professionnellement. »

Levez le nez du guidon et apprenez à ralentir

Quand on arrive en poste, les équipes nous pressent parfois de prendre des décisions qu’ils attendent depuis longtemps. C’est le moment au contraire de prendre le temps. Vous allez peut-être être tenté de prendre ces décisions pour montrer votre compétence, que vous êtes la bonne personne à la bonne place, ou parce que vous pensez que c’est pour cela qu’on vous a embauché. Attendez au moins 3 semaines !

Prenez appui sur un mentor.

Isabelle Thibeault « Le soutien de l’entreprise est souvent uniquement logistique et amdinistratif. Un mentor offre un soutien moral. C’est un soutien extraordinaire. On peut partager ses doutes, demander des conseils. Il faut bien sûr être dans une vraie relation de confiance, ç ne doit pas devenir du contrôle »

Gardez le lien avec le siège : communiquez avec les RH, vos anciens collègues, les différents services pour ne pas sortir des radars !

Isabelle Thibeault : « En plus des suivis réguliers selon la nature du projet dans le pays étranger, il devrait y avoir une rencontre annuelle pour faire le bilan de la prise de poste afin de discuter des facilités et dégager des pistes de solutions pour les obstacles insurmontables. Chaque année, il peut être nécessaire de faire des ajustements. »

Cela permet aussi d’anticiper le retour !

« Le retour au pays après une prise de fonction est souvent un élément négligé par les entreprises. Les entreprises devraient avoir un programme d’accompagnement pour les employés de retour du poste. Elles devraient déployer des efforts pour réintégrer le collaborateur dans le milieu de travail et lui donner des outils pour la réintégration de sa famille.»

Lire aussi : « Repatriation, 4 clés pour réussir votre retour »

Et les femmes dans tout ça ?

Alexandre Gluckman : « Comment assurer l’équité dans la sélection : les femmes ont souvent moins d’expériences à l’international dans leur parcours professionnel. Il est important d’évaluer, de détecter leur potentiel. »

Bien sûr, ces étapes sont valables pour tous. Quand ce sont les femmes qui sont envoyées en poste, elles sont toujours bien acceptées, même dans des milieux réputés plus « masculins ». On se dit que si elles ont eu le poste, c’est qu’elles sont compétentes !

Clovis Guitard « La différence homme femme existe si on pense qu’elle existe – Les femmes en poste à l’étranger peuvent même être plus respectée par les hommes. Comme elles sont rares dans un pays ou le monde professionnel est plus masculin, ça peut devenir un atout ! »

Isabelle Thibeault : « j’ai constaté quand même quelques différences dans les façons de faire entre les hommes et les femmes. Les hommes sont plus dans l’influence, le relationnel, les réseaux, avec un rapport top-down. Les femmes sont souvent plus dans l’exécutif, le travail de fond. Mais sont aussi plus inclusives avec les équipes opérationnelle»

Lire aussi : « Les femmes peuvent-elles réussir une carrière internationale ? »

En revanche, le regard social sur le conjoint homme qui a mis de côté sa carrière pour accompagner son épouse peut être plus difficile. Participer à la « rencontre des mamans » quand on accompagne son enfant à l’école peut paraître inconfortable, et il y a souvent la suspicion qu’un homme qui arrête sa carrière pour se consacrer à sa famille ne devait pas réussir si bien que ça ! Là encore, il est essentiel d’être solide sur les choix que vous avez fait, pourquoi vous êtes là et comment cet équilibre vous convient à tous les deux. En parler, échanger entre vous, mais pas la peine de vous justifier à l’extérieur…

Les entreprises proposent aussi souvent des accompagnements pour le travail du conjoint, des cours de langue, du coaching, pour faciliter l’adaptation. Renseignez-vous ou contactez-nous directement, nous avons un programme spécifique pour les hommes conjoints accompagnateurs !

Voilà les 3 points clés que je voulais partager pour réussir sa prise de fonction, développer pleinement son leadership, enrichir ses compétences et faire de son poste à l’international un vrai tremplin pour la suite de sa carrière.

Isabelle Goyon

Global Coaching for Expats accompagne les entreprises et leurs collaborateurs dans leur parcours à l’international pour garder le cap dans les turbulences !

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